INRA: Mollets, mimosa, à la coque, pochés, brouillés, cocotte, sur le plat,
voire même Bénédicte... les œufs se dégustent à toutes les sauces ! Et
pour cause : peu onéreux, ils sont consommés dans le monde entier et
comptent parmi les aliments les plus nutritifs pour l’Homme. Conçu pour
nourrir l’oiseau à l’état embryonnaire, l’œuf compte moins de 100
kilocalories pour 60 grammes dont 75 % d’eau, 13 % de protéines et
10,5 % de lipides (pour la partie comestible).
L'intérêt nutritionnel de l’œuf réside dans le
subtil équilibre et la diversité de ses constituants : des protéines
parmi les meilleures pour l’homme, des lipides de très bonne qualité,
nombre de vitamines et de minéraux. Boudé un temps par les
consommateurs, notamment du fait de sa teneur en cholestérol, l’œuf est
aujourd’hui largement plébiscité. Sa composition riche et variée en fait
un des aliments préférés des nutritionnistes et des chercheurs de
l’Inra qui en explorent les richesses.
Exquises protéines
Les
protéines sont indispensables à notre organisme pour le fonctionnement
des muscles, l’apport en énergie, la stimulation du système immunitaire,
le maintien des cheveux, des ongles ou encore pour le système
cardiovasculaire et hormonal. Dans l’œuf, les protéines sont réparties
en quantité importante et de manière équitable dans le blanc et le
jaune. Ainsi, deux œufs apportent autant de protéines que 100 g de
viande ou de poisson. Ces protéines sont riches en acides aminés
essentiels (ceux que notre corps n’est pas capable de synthétiser) dans
des proportions équilibrées par rapport aux besoins de l’homme et elles
sont également très digestibles, ce qui les rapprochent de la protéine
”idéale“ (virtuelle) pour l’homme. De 2008 à 2011, l’Inra et
AgroParisTech ont participé à un vaste projet de recherche : Ovonutrial,
consacré entre autre à la caractérisation nutritionnelle de l’œuf.
Grâce à des méthodes dernier cri de marquage des protéines, les
scientifiques ont suivi l’utilisation, par l’organisme, des acides
aminés de l’œuf chez de jeunes adultes en bonne santé pendant huit
heures après le repas. Cette expérience a confirmé une valeur biologique1 des protéines de l’œuf égale à celle des protéines de lait de vache et plus élevée que celles du soja ou du pois.
Une cuisson idéale pour une digestion optimale
A
l’état cru, les protéines de l’œuf ne sont digérées qu’à moitié tandis
qu’après la cuisson, leur digestion est quasi-totale. Inversement, si le
jaune est trop cuit, les protéines sont moins bien digérées. Plutôt
qu’un œuf dur, l’idéal, c’est donc de manger un œuf poché ou mollet. Par
ailleurs, les différents procédés technologiques que sont la
réfrigération, la congélation, la pasteurisation2 ou le séchage, ne modifient pas la digestibilité des protéines de l’œuf ni leur valeur nutritionnelle.
Effet coupe-faim ?
L’œuf
au petit déjeuner a un effet satiétogène plus important que les
produits à base de céréales (pain, croissant, céréales). L’une des
expériences du projet Ovonutrial a permis d’évaluer les propriétés
satiétogènes de l’œuf (sous forme d’omelette) sur 30 volontaires sains,
par comparaison à celles d’un en-cas laitier (du fromage blanc).
Conclusion : omelette et fromage blanc apaisent la faim de la même
façon. Cependant, avec l’omelette, les sécrétions d’hormones de satiété
ont été retardées et prolongées, probablement car la texture de cet
en-cas prolonge la digestion et donc la libération des nutriments.
1.
La valeur biologique des protéines définit leur qualité et dépend de la
composition en acides aminés essentiels, de leur équilibre et de la
capacité de la protéine à remplir son rôle.
2.
Procédé de conservation des aliments, la pasteurisation consiste à
chauffer à une température définie pendant une certaine durée puis à
refroidir rapidement.
EN CHIFFRES
Dans le monde, la consommation d’œufs est très
variable : de quelques dizaines à plus de 250 œufs par an et par
personne, voire près de 300 comme au Japon. En 2010, environ 64 millions
de tonnes d’œufs (coquille et produit transformé) ont été produits dans
le monde. Quant aux Français, ils mangent en moyenne 230 œufs par an
dont 140 en coquille.
Source : ITAVI 2010
Répartition des protéines dans le blanc d’œuf
Les lipides voient jaune !
Idée reçue sur le cholestérol
L’œuf, naturellement riche en
cholestérol, a longtemps été accusé d’augmenter le taux de cholestérol
sanguin. Consécutivement à ce message délivré dans les années 1980, sa
consommation a même chuté de près de 25 %. Or, la plupart des études
menées après cette mise en accusation ont démontré que l’apport de
cholestérol alimentaire, notamment à travers une forte consommation
journalière d’œufs (jusqu’à 3 par jour), n’a aucune influence sur la
cholestérolémie de l’homme (pour près de 95 % de la population) et
n’aurait donc aucune incidence négative sur le risque de maladies
cardiovasculaires. Par ailleurs, le cholestérol est un élément
indispensable à la fabrication des cellules, des hormones et de la
vitamine D. Enfin, l’organisme en bonne santé est capable de réguler
naturellement le cholestérol : si l’alimentation en apporte en excès, sa
production est limitée et son absorption est réduite.
La mayonnaise, une histoire de lipoprotéines
A
Nantes, des chercheurs de l’Inra identifient les constituants du jaune
d’œuf et décryptent leurs comportements et propriétés, notamment pour
l’élaboration de certaines recettes culinaires. Ils s’intéressent tout
particulièrement aux lipoprotéines : des complexes de protéines et de
lipides qui transportent les lipides dans tout l’organisme. Elles
constituent 85 % du poids du jaune d’œuf et parmi elles, la plus
abondante, est la lipoprotéine de faible densité ou LDL. Son rôle dans
la fabrication de la mayonnaise est bien connu : soluble à la fois dans
l’huile et dans l’eau, elle se positionne à l’interface eau/huile et
forme des gouttelettes d’huiles dans l’eau ; ce qu’on appelle une
émulsion. Ces LDL sont donc des nanoémulsions naturelles d’environ 30
nanomètres (soit 30 milliardièmes de mètres) de diamètre constituées
d’un cœur de triglycérides entouré d’un film de protéines et de
phospholipides. C’est un bel édifice chimique qui montre combien la
nature a bien fait les choses !
Membranes coquillières: un réseau de protéines s'opposant à l'entrée des microorganismes dans l’œuf.
Membrane vitelline: fine membrane entourant le vitellus ou jaune d’œuf.
Chalazes: des filaments spiralés de nature protéique allant du jaune vers les deux extrémités de l’œuf; elles maintiennent le jaune en suspension au milieu de l’œuf, un condition indispensable au bon développement de l'embryon lorsque l’œuf est fécondé.
Cuticule: une enveloppe protéique de la coquille qui protège l’œuf, elle obture les pores de la coquille, empêchant ainsi la pénétration de microorganismes extérieurs. Elle est fragile et vulnérable aux traitements pour le nettoyage des œufs.
Membrane vitelline: fine membrane entourant le vitellus ou jaune d’œuf.
Chalazes: des filaments spiralés de nature protéique allant du jaune vers les deux extrémités de l’œuf; elles maintiennent le jaune en suspension au milieu de l’œuf, un condition indispensable au bon développement de l'embryon lorsque l’œuf est fécondé.
Cuticule: une enveloppe protéique de la coquille qui protège l’œuf, elle obture les pores de la coquille, empêchant ainsi la pénétration de microorganismes extérieurs. Elle est fragile et vulnérable aux traitements pour le nettoyage des œufs.
Fil rouge - Sécurité sanitaire
Fraîcheur de l’œuf
Une des principales qualités de l’œuf : sa très
bonne durée de conservation qui est garantie en le gardant au
réfrigérateur ou dans un endroit frais à l’abri de l’humidité. Jusque 9
jours après la ponte, l’œuf est considéré comme ”extrafrais“ ; puis, on
le qualifie de ”frais“ jusqu’à 28 jours. Plus l’œuf est frais, plus ses
propriétés naturelles de défenses vis-à-vis des bactéries sont
efficaces. L’important surtout est de bien veiller à ce que la coquille
soit intacte (absence de micro-fêlure pour éviter toute contamination).
Pour
savoir si un œuf est encore frais : plongez-le dans un verre rempli
d’eau. S’il coule, il est frais et s’il flotte, c’est qu’il ne l’est
plus beaucoup. Cette manipulation donne une idée du volume de la chambre
à air dans l’œuf, laquelle grossit avec le temps. Plus celle-ci est
grande et plus l’œuf flottera.
Les cuissons de l’œuf
• Classique, dans une casserole:
d’abord, des bulles d’air apparaissent à la surface de l’œuf (du gaz
s’échappe de la coquille). Au bout de 3 minutes : le blanc d’œuf
“coagule” mais le jaune reste liquide. Après 10 minutes : blanc et jaune
sont coagulés... Si l’on cuit plus longtemps encore, les choses se
compliquent : le blanc devient caoutchouteux, le jaune sableux, une
couleur verte et une odeur désagréable apparaissent (celle du sulfure
d’hydrogène). A 65°C, le jaune reste liquide bien qu’épais mais à 67°C,
il prend une consistance de pommade.
• Écologique, au lave-vaisselle:
les programmes de lavage classiques atteignent des températures
d'environ 70 °C. Si on met un œuf entier dans le lave-vaisselle (en
protégeant l’œuf dans une poche plastique pour éviter que le détergent
pénètre dans l’œuf), une fois la vaisselle finie, on récupère un œuf
cuit à basse température.
Le blanc et le jaune au pouvoir ! - Blanc d’œuf contre bactéries
En 2004, le premier génome d’oiseau est séquencé, celui de la poule, et parmi la liste des signataires figure une équipe de l’Inra de Toulouse. Ce résultat est à l’origine d’une véritable révolution concernant l’identification des protéines de l’œuf. En plus de la cinquantaine de protéines connues en 2006, plus d’un millier de nouvelles molécules ont été révélées dans les différents compartiments de l’œuf. Jusqu’en 1989, on dénombrait 13 protéines dans le blanc d’œuf et depuis 2012, plus de 150 ont été identifiées. Dans le jaune, ce sont plus de 300 nouveaux constituants qui ont été découverts à des concentrations très faibles. Aujourd’hui, les scientifiques traquent des composés qui présentent des activités biologiques variées (antimicrobiennes, antiinflammatoires, anti-cancéreuses ou même anti-hypertensives) et ouvrent des perspectives prometteuses en santé humaine et animale.
L’œuf est destiné à
répondre aux besoins alimentaires de l’embryon de poule mais il doit
également le préserver de toute invasion microbienne tout au long de son
développement. Il dispose donc d’un arsenal remarquable de défenses qui
peuvent être affectées par les conditions de collecte, de
conditionnement et de stockage des œufs. La connaissance de ce système
de défense est donc un facteur clé pour permettre le maintien d’une
production de qualité. Si la coquille assure un rôle de barrière
physique, les protéines du blanc sont des actrices essentielles de la
défense de l’œuf. Le blanc d’œuf n’est pas un milieu propice au
développement microbien. Son pH alcalin (entre 7,6 et 9,5), sa structure
visqueuse et hétérogène en font un environnement très particulier qui
peut limiter la croissance des microorganismes (effet bactériostatique),
voire les tuer (effet bactéricide), selon le type de microorganisme et
les conditions environnementales. Les molécules du blanc les plus
connues pour avoir une activité bactéricide ou bactériostatique sont le
lysozyme et l’ovotransferrine.
Se faire mousser en tuant les bactéries
Protéine découverte en 1922 par Alexander Fleming, le lysozyme
est très répandu dans la nature. Chez l’homme : la salive, les larmes,
le sang en contiennent... le blanc d’œuf aussi ! Le lysozyme est connu
pour son pouvoir bactéricide puisqu’il tue notamment les bactéries Gram
+. L’industrie agro-alimentaire l’utilise comme conservateur naturel,
notamment en fromagerie et l’industrie pharmaceutique l’emploie contre
les infections virales et bactériennes. En examinant de plus près cette
molécule, une équipe de l’Inra de Rennes a expliqué comment des
modifications chimiques, induites par simple chauffage du lysozyme en
poudre, améliorent considérablement les propriétés moussantes de cette
protéine.
Traditionnellement, l’amélioration
du pouvoir moussant par chauffage de la poudre de blanc d’œuf était
attribuée à des changements de forme des protéines. Ici, les
scientifiques révèlent l’existence et le rôle de transformations
chimiques. Connu pour s’attaquer aux bactéries de type Gram +, le
lysozyme peut, sous réserve de certaines modifications moléculaires,
détruire également les bactéries Gram -. En décortiquant les mécanismes
en jeu et les modifications du lysozyme impliquées, les chercheurs de
l’Inra pourraient les mimer et ainsi développer des molécules
antibactériennes à large spectre.
Des carences en fer contre les bactéries
L’ovotransferrine
est une protéine de la famille des transferrines que l’on retrouve dans
différents fluides animaux (transferrine du sang, lactoferrine du
lait...). En fixant le fer, elle crée un environnement déficient en fer
qui compte parmi les éléments essentiels à la croissance bactérienne.
Néanmoins, le pouvoir antibactérien de cette protéine diffère selon le
type de bactérie :SalmonellaEnteritidis est particulièrement sensible à
la présence de l’ovotransferrine alors queListeriay semble insensible.
L’art du ”self-defense“
Outre
le lysozyme et l’ovotransferrine, d’autres composés en plus faible
quantité présentent également des activités antibactériennes : c’est le
cas des défensines. Cette famille de petites protéines du système
immunitaire est produite naturellement chez l’homme et dans de
nombreuses espèces animales, dont la poule, pour se défendre contre les
infections microbiennes. Dans le cadre des programmes européens
”Rescape“ puis du projet ”Ovomining“ coordonné par l’Inra, une équipe a
caractérisé l’activité de deux d’entre elles : la bêta-défensine 11 et
la galline. La première limite le développement de certaines bactéries
pathogènes comme Listeria monocytogenes, Salmonella Enteritidis et Typhimurium, Escherichia coli, Staphylococcus aureus. La galline possède quant à elle une activité dirigée contre E. coli.
D’autres défensines ont été identifiées dans le jaune et la coquille
d’œuf mais leurs activités antimicrobiennes restent à caractériser. Les
défensines pourraient donc contribuer à la protection naturelle de
l’embryon dans les œufs à couver et au maintien de la qualité sanitaire
des œufs de consommation. L’identification de ces nouveaux composés
antimicrobiens offre des pistes intéressantes dans la recherche de
nouveaux antibiotiques.
Anti-protéases : présence massive mais énigmatique
Le
blanc d’oeuf est extrêmement riche en anti-protéases telles
l’ovomucoïde, l’ovoinhibiteur, l’ovomacroglobuline ou la cystatine qui
sont des molécules régulatrices de l’activité des protéases (des enzymes
qui dégradent des protéines pour les activer ou les inactiver). Cette
présence en quantité importante dans le blanc soulève des interrogations
principalement parce que leur rôle est très peu connu. Elles pourraient
être impliquées dans le développement embryonnaire ou encore dans des
activités antimicrobiennes mais leurs fonctions restent encore à
préciser. En alimentation humaine, ces molécules ont un effet connu qui
limite la digestibilité de l’œuf consommé à l’état cru.
OVAX et ovalbumine : si proches et pourtant si différentes !
L’OVAX (ovalbumin related protein X)
est une protéine mineure du blanc d’œuf mise en évidence en 2006 par
une équipe de l’Inra à Rennes et ressemble fortement à la principale
protéine de l’œuf : l’ovalbumine. Des chercheurs à Tours ont réussi à
montrer qu’elle était antibactérienne vis-à-vis de deux bactéries
pathogènes responsables de toxi-infections alimentaires chez l’homme : Listeria monocytogenes (listériose) et Salmonella
Enteritidis (salmonellose). Et pourtant, malgré sa grande ressemblance
avec l’OVAX, l’ovalbumine ne possède pas d’activité contre ces deux
pathogènes. Ainsi, l’étude de la structure de l’OVAX révèle un domaine
qui pourrait être à l’origine de son pouvoir antibactérien. Les
propriétés de l’OVAX comme agent antibactérien sont à l’origine d’un
brevet déposé par l’Inra et laisse entrevoir des perspectives
d’applications très intéressantes.
La chasse aux activités biologiques cachées
Une
toute nouvelle voie d’investigation consiste à débusquer de nouvelles
activités biologiques dissimulées secrètement dans les protéines. En
effet, la transformation de certaines protéines de l’œuf peut conduire à
libérer des fragments bioactifs. Par exemple : l’hydrolyse de
l’ovalbumine, la protéine majeure du blanc d’œuf, génère des fragments
qui présentent des activités antimicrobiennes, anti-hypertensives ou qui
modulent la réponse du système immunitaire. D’autres fragments
bioactifs ont également été mis en évidence in vitro à partir de
l’ovotransferrine, l’ovomucoïde, le lysozyme ou l’ovomucine. Produits
lors de la digestion des protéines de l’œuf par les enzymes digestives,
ils pourraient exercer des effets bénéfiques sur la santé, notamment
anti-cancéreux ou anti-inflammatoires.
Contacts
scientifiques : Florence Baron, unité Science et technologie du lait et
de l'oeuf, centre Inra de Rennes. Nicolas Guyot, Sophie
Réhault-Godbert, unité de Recherches avicoles, centre Inra Val de Loire.
Fil rouge - Sécurité sanitaire
Couver rend plus fort !
Le blanc d’œuf présente une activité
bactériostatique qui protège l’embryon des agressions bactériennes, en
limitant leur croissance. A température de couvaison, il devient
extrêmement agressif vis-à-vis des bactéries : son activité devient
alors fortement bactéricide et à très large spectre. De plus, le pouvoir
anti-salmonelle du blanc d’œuf s’améliore au cours des premiers jours
après la ponte lorsque l’œuf est stocké à une température proche de
celle de la couvaison. A Rennes et Tours, deux équipes de l’Inra tentent
de comprendre les mécanismes moléculaires expliquant ce phénomène. En
effet, ce pouvoir d’auto-défense du blanc d’œuf dans de telles
conditions résulte d’interactions multiples qu’il reste encore à
élucider.
Ovomining : comment débusquer de nouvelles protéines antibactériennes ?
Mené par l’Inra jusqu’en 2012, ce projet avait
pour objectif de répertorier l’ensemble des protéines antibactériennes
de l’œuf par analogies avec des protéines antimicrobiennes d’autres
espèces et grâce à des logiciels de prédiction de fonctions de
protéines. Sept protéines du blanc d’œuf, des membranes vitellines ou du
jaune susceptibles de jouer un rôle dans la défense de l’œuf ont ainsi
été purifiées ou synthétisées puis analysées pour leur potentiel
antimicrobien (dont des défensines, des antiprotéases etc.). Les
chercheurs ont déterminé la structure tridimensionnelle des molécules
les plus pertinentes et appréhendé leurs mécanismes d’action vis-à-vis
des constituants bactériens
Gram + et -
Cette distinction entre ces deux types de
bactéries repose sur des différences au niveau de leurs parois. Avec la
coloration de Gram, les bactéries à Gram positif apparaissent violettes au microscope (par exemple, celles des genres Staphylococcus, Micrococcus, Lactobacillus, Bacillus, Streptococcus, Listeria...) tandis que les Gram négatif sont roses (comme les bactéries des genres Salmonella, Escherichia coli, Yersinia...).
Le blanc et le jaune au pouvoir ! Les mystères de la chambre jaune
Du jaune d’œuf pour protéger les spermatozoïdes
Une molécule très électrique !
Composé du jaune d’œuf à l’étude : la
phosvitine. C’est la protéine la plus phosphorylée que l’on connaisse :
elle contient 10 % de phosphore, ce qui lui confère une charge
électrique négative très importante et lui permet de fixer la majorité
des métaux, notamment le fer ou le calcium du jaune d’œuf. Elle joue un
rôle considérable dans la stabilisation des émulsions. Ainsi, les
émulsions de phosvitine, capables de former aisément des agrégats avec
des ions calcium, pourraient servir de vecteurs de calcium dans
l’alimentation humaine, en prévention de l’ostéoporose par exemple. Par
ailleurs, du fait de son activité anti-oxydante, la phosvitine protège
de la formation de radicaux hydroxylés catalysée par le fer et de ce
fait, pourrait être utilisée pour la prévention du cancer colorectal,
pathologie dans laquelle le stress oxydatif modulé par le fer est
impliqué.
Le blanc et le jaune au pouvoir ! Les allergies
Que reprocher à l’œuf ? Son pouvoir allergène qui touche
essentiellement les jeunes enfants. Avec les poissons de mer, les
cacahuètes, les noisettes, le lait de vache, etc., l’œuf fait partie des
quatorze allergènes alimentaires les plus fréquents en Europe faisant
l’objet d’un étiquetage obligatoire dans les produits de consommation.
L’allergie à l’œuf représente environ 30
% des allergies alimentaires chez les moins de 15 ans, apparaissant le
plus souvent entre 9 et 15 mois. Elle se manifeste, après ingestion
voire simple contact, par des réactions cutanées (urticaires, eczéma),
des troubles digestifs (vomissements, diarrhées) ou respiratoires
(asthme), des rhinites et des rhino-conjonctivites. Le choc
anaphylactique[1]
n’est que très rarement observé. L’allergie à l’œuf est souvent
transitoire chez l’enfant : dans la plupart des cas, elle guérit vers 4 à
7 ans. Elle peut cependant être définitive et compte pour 7 % des
allergies alimentaires chez les adultes.
Les responsables sont d’abord
quatre protéines principales (ou majeures) du blanc d’œuf : l’ovalbumine
(la plus abondante), l’ovomucoïde (la plus allergène),
l’ovotransferrine et le lysozyme. Des allergies aux protéines du jaune
d’œuf sont également connues. Pour la première fois, l’étude Ovonutrial a
permis aux chercheurs de l’Inra de comparer les sensibilisations aux
allergènes du blanc et aux fractions du jaune. Elle a aussi mis en
évidence des sensibilisations vis-à-vis des protéines représentant moins
de 1 % des protéines du blanc (mineures), notamment la flavoprotéine,
l’OVAX et l’avidine.
Blanc ou jaune, cru ou cuit ?
Une
étude clinique menée dans le cadre du projet Ovonutrial a permis
d’analyser les réactions de 52 enfants allergiques à l’œuf. Les médecins
ont, entre autres, pratiqué des tests sur la peau des enfants -
”pricktests“ - pour évaluer leur réaction allergique à l’œuf entier, au
blanc ou au jaune (à chaque fois cru et cuit). Les résultats ont montré
que parmi tous ces enfants allergiques à l’œuf : tous étaient
sensibilisés au blanc et 80 % au jaune. Par ailleurs, les scientifiques
ont testé les effets de divers procédés technologiques comme la
pasteurisation (ici : 66°C pendant 6 minutes) sur le pouvoir allergène
de l’œuf. La pasteurisation montre un effet limité sur la réactivité
cutanée à l’œuf entier et au blanc d’œuf (moins 10 % de réaction
positive au prick-test). Par contre, la cuisson diminue la réaction
cutanée avec un effet plus important sur le jaune (-50 %) que sur
l’entier (-40 %) et le blanc (-30 %). En résumé : certains enfants
allergiques à l’œuf peuvent manger des œufs sous forme de gâteaux, mais
tous devront se méfier des œufs mollets et des omelettes ; et ils ne
doivent ni les gober ni manger de mousse au chocolat ! Les phénomènes
moléculaires qui sous-tendent ces résultats sont liés aux changements de
structure des protéines et donc à des modifications physico-chimiques.
Comment traiter ?
A
l’heure actuelle, la prise en charge consiste à supprimer l’oeuf du
régime alimentaire, ce qui est très compliqué du fait de la présence de
cet aliment dans nombre de produits alimentaires mais aussi cosmétiques
(shampoings) et dans certains médicaments. A partir d’un certain âge,
les enfants réintroduisent petit à petit l’oeuf dans leur alimentation
et la majorité d’entre eux devient tolérante. Des stratégies
thérapeutiques sont actuellement testées. Les chercheurs tentent
notamment d’identifier des ”marqueurs“ pour prédire l’évolution de
l’allergie ou la tolérance aux petites doses, ce qui permettrait
d’assouplir le régime alimentaire. C’est l’un des objectifs du projet
MANOE (Maîtrise allergie nutrition enfant) financé par la région des
Pays de la Loire qui a démarré en 2010, avec la participation de
plusieurs Centres Hospitaliers Universitaires, d’industriels et de
l’Inra. Ce projet inclut notamment des tests cliniques de réintroduction
de petites doses d’allergènes, dont l’œuf, pour évaluer la réactivité
des patients aux petites doses. Ce projet apportera un éclairage
pratique sur l’utilisation de seuils par les industriels.
La coquille, fabuleux biomatériau protecteur
En quelques 20 heures à 40°C, la température de la poule, la coquille
d’œuf devient suffisamment solide pour protéger l’embryon mais assez
fragile pour permettre l’éclosion. Elle résiste à des pressions de
plusieurs kilos et est parsemée de près de 10 000 pores qui permettent
les échanges respiratoires de l’embryon. Depuis les années 70, la
structure et les propriétés mécaniques de la coquille sont bien connues.
Aujourd’hui, les chercheurs de l’Inra s’intéressent à la fabrication de
cette coquille afin d’améliorer cette protection physique et la
sécurité sanitaire de la filière œuf. L’enjeu est de taille puisque, sur
près de 13 milliards d’œufs, environ 1 milliard est déclassé pour
défaut de coquille.
La minéralisation la plus rapide du vivant
Dès l’âge adulte (à partir de 6 mois
environ selon les races), la poule pond pratiquement un œuf chaque jour.
Par comparaison, une oie n’en pond que 15 à 30 par an ! La poule libère
un ovocyte (jaune d’œuf) dans l’oviducte gauche1 : l’œuf va
acquérir successivement ses autres compartiments au cours de son
déplacement dans ce long tube, s’entourant d’abord d’un blanc très
gélifié et des membranes coquillières pendant près de 4 heures. Puis, il
s’hydrate et prend sa forme ovoïde qui sera fixée par calcification de
la coquille dans l’utérus. Il faut environ 20 heures pour exporter
6 grammes de calcium et former cette coquille : c’est considérable
sachant que cela correspond à près de 10 % du calcium corporel total de
la poule. Ce processus de minéralisation, l’un des plus rapides du monde
vivant, se déroule en trois grandes étapes :
• Tout d’abord, pendant 5 heures, les premiers cristaux de calcite2
se déposent en des sites particuliers à la surface des membranes
coquillières. L’œuf est alors mou et dilaté. Les cristaux progressent
vers l’extérieur, leur croissance est inhibée vers l’intérieur. Il se
forme des cônes inversés qui se rejoignent petit à petit pour constituer
une couche compacte polycristalline.
• Le
fluide utérin regorge de calcium, de bicarbonates et contient les
précurseurs minéraux et organiques de la coquille. Ceci permet à la
coquille, dans un deuxième temps, de s’auto-organiser pour former une
structure minérale cristalline très solide.
•
Enfin, la minéralisation est stoppée une heure avant l’expulsion de
l’œuf et une couche externe organique, la cuticule, bouche les pores. La
poule forme sa coquille au cours de la nuit. Aussi, elle augmente
d’elle-même sa consommation de calcium 4 heures avant extinction des
lumières. C’est pourquoi, pour augmenter la solidité de la coquille, les
éleveurs mettent à disposition des poules des petits cailloux de
calcaire ou de coquillage.
coquille d'oeuf au microscope |
Des cristaux sous contrôle
La
structure cristalline de la coquille et son ultrastructure sont
parfaitement définies et cette organisation est à l’origine de ses
propriétés mécaniques exceptionnelles. La coquille pèse environ
6 grammes : 95 % de minéraux (37,5 % de calcium, 58 % de carbonate, du
magnésium et du phosphore) ; 2,4 % de matière organique et 1,6 % d’eau.
La résistance de la coquille d’œuf de près de quatre kilos en pression
statique est liée à la quantité et à l’organisation des cristaux,
elle-même contrôlée par la portion organique de la coquille. En
collaboration avec un réseau d’équipes internationales, les chercheurs
de l’Inra ont identifié de nombreuses protéines spécifiques de la
coquille uniquement synthétisées par l’utérus de la poule et qui
exercent un contrôle sur la fabrication de la coquille.
600 gènes en jeu pour construire la coquille
Il
existe aussi un contrôle génétique de cette fabrication de la coquille.
Dans le cadre des projets européens EggDefence et Sabre, une équipe de
l’Inra de Tours a identifié un répertoire de plus de 600 gènes exprimés
dans l’utérus au cours de la formation de la coquille. Ils codent pour
plus de 400 protéines qui, pour la moitié d’entre elles, transportent
des minéraux nécessaires à la construction de la coquille ou se
retrouvent dans la partie organique de la coquille. Ces travaux
contribuent à proposer des approches pour améliorer la solidité de la
coquille de l’œuf et ainsi réduire le risque de pénétrations
bactériennes dans l’œuf puisque tout défaut même mineur de l’intégrité
de la coquille (microfêlure) accroît les risques de contamination.
Les coquilles en voient de toutes les couleurs...
...
même en chocolat... puisque les poules de la race de Marans pondent des
œufs roux cuivré ! Des œufs, il en existe de toutes les couleurs. Selon
les préférences et les habitudes, les coquilles sont de toutes les
teintes, du blanc au brun foncé. En France, la préférence va aux œufs
bruns-roux et aux États-Unis, aux œufs blancs. Cet aspect de la coquille
dépend uniquement de l’origine génétique de la pondeuse et est
indépendant de la couleur du plumage ou du mode d’alimentation de la
poule. Deux types de pigments déterminent la couleur : la
protoporphyrine (précurseur de l’hémoglobine) est déposée en surface et
est à l’origine de la couleur plus ou moins brune. La biliverdine
(dérivé de la bile) quant à elle, colorie l’intérieur des coquilles en
bleu-vert. Cette coloration n’affecte ni celle du jaune qui reflète
l’alimentation de la poule ni les caractéristiques nutritionnelles de
l’œuf.
1. Mystère de la nature : chez les oiseaux (hormis de
rares exceptions), seuls subsistent l’ovaire et les voies génitales du
côté gauche des animaux !2. Parmi les minéraux les plus répandu sur Terre, la calcite est un minéral composé de carbonate naturel de calcium de formule CaCO3. La variété de ces cristaux à six faces est très importante, on en a dénombré plus de 12 000 formes différentes.
Fil rouge - Sécurité sanitaire
Coup de vieux pour les œufs !
Les poules vivent une dizaine d’années mais
elles ne pondent plus vers 7-9 ans. En vieillissant, leurs œufs sont
plus gros, leurs jaunes grossissent et leurs coquilles se fragilisent.
Une poulette de 6 mois pond des œufs de près de 60 grammes, vers un an,
il pèsera 65 grammes et 68 grammes vers 2 ans. Par ailleurs, les jeunes
pondeuses pondent des œufs plus ronds. Ainsi, avec l’âge, la structure
cristalline des coquilles, la taille des cristaux et leur orientation
subissent des dommages. Ces altérations coïncident avec des changements
au niveau des molécules organiques de la coquille.
Or,
des chercheurs ont mis en évidence l’influence de la mue des poules sur
la qualité de la coquille. Après la mue, la production d’œufs
s’améliore, la quantité d’œufs pondus augmente et ils sont plus solides.
Les coquilles présentent moins de défauts et retrouvent une structure
cristallographique de jeunes poules ! En réalité, ce phénomène
physiologique de mue se produit chaque année : les poules renouvellent
leur plumage et cela bouleverse toute la physiologie de l’oiseau,
notamment la mue est marquée par un arrêt de la ponte. Ce processus de
mue peut être déclenché par les éleveurs pour ”rajeunir“ le système
reproducteur et ainsi améliorer les performances de production.
L’œuf dans tous ses états
En raison de leurs propriétés fonctionnelles (aptitude au fouettage,
émulsification, moussage, stabilisation, gélification, texturation...),
ils entrent dans la confection de nombreux aliments (pâtisseries,
charcuteries, confiseries... le blanc est même utilisé dans la brasserie
et la vinification). La France est le premier producteur européen
d’œufs et d’ovoproduits. En 2011, la production française d’œufs a
atteint 290 000 tonnes, dont 40 % destinés aux ovoproduits. La maîtrise
de leur qualité microbiologique est un impératif, en particulier
lorsqu’ils sont intégrés dans des aliments crus ou peu cuits.
En raison de leurs propriétés fonctionnelles
(aptitude au fouettage, émulsification, moussage, stabilisation,
gélification, texturation...), les ovoproduits entrent dans la
confection de nombreux aliments (pâtisseries, charcuteries,
confiseries... le blanc est même utilisé dans la brasserie et la
vinification). La France est le premier producteur européen d’œufs et
d’ovoproduits. En 2011, la production française d’œufs a atteint 290 000
tonnes, dont 40 % destinés aux ovoproduits. La maîtrise de leur qualité
microbiologique est un impératif, en particulier lorsqu’ils sont
intégrés dans des aliments crus ou peu cuits.
Les
ovoproduits regroupent l’ensemble des produits obtenus à partir de
l’œuf, de ses composants ou de leur mélange, après élimination de la
coquille et des membranes coquillières. On en distingue trois
catégories :
• Les ovoproduits intermédiaires:
destinés aux industries agroalimentaires, l’entier, le jaune ou le
blanc sont utilisés comme ingrédients entrant dans la fabrication des
sauces, des pâtes, des pâtisseries... Ils sont vendus sous forme
liquide, concentrée, congelée ou en poudre.
• Les ovoproduits prêts à l’emploi:
le plus souvent destinés à la restauration hors domicile, ils sont
vendus déjà transformés ; par exemple les œufs durs écalés (sans
coquille), les œufs pochés, des omelettes précuites ou déshydratées, des
blancs en neige...
• Les constituants du blanc ou du jaune:
destinés à l’industrie agroalimentaire et non-alimentaire, ils sont
obtenus par fractionnement des composés, extraction de molécules... Ils
entrent dans la composition de produits très variés. Le lysozyme,
extrait du blanc d’œuf, est par exemple utilisé dans la fabrication de
fromages à pâte pressée cuite, comme conservateur naturel dans un grand
nombre de préparations alimentaires ou comme principe actif de
traitements contre les maux de gorge.
On ne fait pas d’ovoproduit sans casser d’œufs
En
2011, on compte 56 fabricants d’ovoproduits en France, principalement
basés en Bretagne et dans les Pays de la Loire. Il existe également 65
centres d’emballages où les œufs sont stockés dans des locaux propres,
aérés, à une température stable (souvent comprise entre 10 et 12°C).
Dans les usines de fabrication des ovoproduits, les œufs se retrouvent
dans les rouages des machines de cassage capables de les briser
individuellement, avec des capacités pouvant atteindre jusqu’à 180 000
œufs par heure. Pour éviter les contaminations, les coquilles sont
rapidement évacuées, broyées puis centrifugées. Après le cassage, blanc
et jaune sont soumis à une filtration avant de subir différentes
transformations : salage, sucrage, pasteurisation, séchage...
Les contaminations des œufs peuvent se
produire à toutes les étapes de la filière ; depuis la ponte, le
stockage jusqu’à la transformation ou la consommation. Néanmoins, le
stade du cassage est particulièrement sensible : le contact avec les
coquilles souillées et les surfaces des machines entraîne une
contamination systématique du contenu de l’œuf. La priorité des
chercheurs est donc de mieux appréhender les interactions avec les
bactéries et microorganismes pathogènes pour désigner les traitements
adéquats. Leur destruction est essentiellement réalisée par traitement
thermique mais toute la difficulté réside dans le fait d’éliminer les
bactéries sans dénaturer les protéines, et donc, sans coaguler les
ovoproduits.
Odeurs et couleurs des poudres de jaunes
Dans
le but de mieux valoriser les ovoproduits, des chercheurs de l’Inra
étudient le comportement des lipides du jaune d’œuf lors de leurs
transformations. Ils passent ainsi au crible les poudres de jaune d’œuf.
Du point de vue olfactif : les poudres de jaune ont une odeur moins
forte que les poudres d’œufs entiers. Cependant, température et durée de
conservation ont un fort impact sur l’odeur de ces poudres, sans pour
autant faire apparaître d’off-flavor(à savoir d’une odeur désagréable).
Cela concorde avec la très bonne stabilité oxydative des produits qui a
été mise en évidence. Une autre expérience a consisté à étudier 6 types
de poudres de jaune : 4 à partir du même lot d’œufs coquille et 2 à
partir d’un lot d’œufs enrichis notamment en oméga-3. L’un des
principaux résultats montre que les œufs enrichis en oméga-3 peuvent
être transformés (pasteurisés puis mis en poudres) sans perte notable de
leurs propriétés physiques, fonctionnelles, sensorielles et
nutritionnelles, au contraire des œufs coquille. Néanmoins,
l’enrichissement en acides gras oméga-3 modifie la couleur des produits,
les propriétés thermiques des lipides et des poudres.
Fil rouge - Sécurité sanitaire
Des microbes sous haute surveillance...
L’œuf possède d’excellentes barrières
naturelles contre l’invasion des microbes, notamment la coquille et le
blanc d’œuf qui possède un arsenal de protéines antibactériennes
extrêmement efficace et variée. Cependant, certaines étapes comme le
cassage industriel des œufs ou les différentes transformations
entraînent des contaminations systématiques. La maîtrise de la qualité
microbiologique des œufs est donc un impératif pour la sécurité
sanitaire de toute la filière, en particulier lorsqu’ils sont intégrés
dans des aliments crus ou peu cuits. Des traitements thermiques sont
donc appliqués ; ils permettent d’éliminer la majorité des
micro-organismes, notammentSalmonella, Listeriaou même le virus de la
grippe aviaire.
Cependant, le traitement
thermique peut s’avérer inefficace sur certains micro-organismes : c’est
le cas des bactéries du groupeBacillus cereusdont le comportement est
décortiqué par une équipe du centre Inra de Rennes. Ces bactéries sont
partout et produisent un certain nombre d’enzymes à l’origine
d’altérations des ovoproduits. De plus, certaines souches deBacillus
cereuspeuvent produire des toxines et engendrer potentiellement des
maladies alimentaires. Bien qu’aucun ovoproduit n’ait jamais été
incriminé dans une toxi-infection due àBacillus cereus, les chercheurs
ont mis en place des études visant à connaître l’occurrence de ces
bactéries dans la filière œuf, leur potentiel d’altération et leur
toxicité potentielle. En étudiant les contaminations parBacillus
cereusdans 20 élevages et 6 entreprises, les chercheurs ont notamment
démontré, pour la première fois, que ces bactéries étaient capables de
se multiplier et d’altérer les ovoproduits aux températures de
réfrigération. Ces travaux ont permis d’identifier des pratiques
d’élevage limitant la présence de ces bactéries à la surface des œufs.
De plus, les chercheurs ont développé un outil de diagnostic en temps
réel, simple, rapide, à destination des industriels permettant
d’identifier les principales espèces de bacilles rencontrées en
agroalimentaire.
Contact scientifique : Florence Baron. Unité Science et Technologie du Lait et de l’OEuf - Centre Inra de Rennes
Mousse, gels, émulsions ?
A l’œil nu, une émulsion (mayonnaise, savon
liquide...) semble homogène mais au microscope, on s’aperçoit qu’il
s’agit d’un mélange de deux substances liquides qui, en principe ne se
mélangent pas, comme l’huile et l’eau. Les mousses quant à elles (crème
fouettée, mousse au chocolat...) ressemblent aux émulsions sauf que
l’une des substances est un gaz qui forme des bulles dans un liquide.
Les gels, eux (gélatine, confiture, blanc d’œuf cuit...), sont
principalement constitués de liquide ; ils forment un réseau 3D et se
comportent comme des solides.
Des œufs d'élite
La qualité de nos œufs est variable car elle est influencée par de
nombreux paramètres : l’âge des poules, leur origine génétique, ce
qu’elles mangent, leurs conditions d’élevage, leur environnement... Et
les consommateurs sont exigeants : leurs œufs doivent être propres,
frais avec une proportion de blanc épais importante, présenter une
coquille intègre. Ils doivent être d’aspect homogène dans une boîte et
la couleur du jaune est importante.
Pour répondre à l’évolution de la filière et à
la demande des consommateurs, les scientifiques de l’Inra évaluent de
nouveaux systèmes d’élevage, mènent des recherches sur le bienêtre
animal, scrutent la qualité sanitaire des poules et de leurs œufs et
développent même des œufs enrichis en nutriments au bénéfice de la santé
humaine.
Du grain à moudre pour les poulettes !
Les poules sont classiquement alimentées avec du blé, du maïs, du tourteau[1]
de soja et des coquilles marines ou du calcaire : des aliments
complets, riches en protéines et calcium. Il s’agit le plus souvent d’un
mélange de farines de différentes céréales, facile d’utilisation. Des
chercheurs de l’Inra de Tours ont participé à une étude visant à
analyser le comportement de poules soumises à une alimentation contenant
des grains de blé entiers afin de pouvoir utiliser les céréales
produites localement. Trois groupes de 80 pondeuses ont été nourries
avec des régimes différents : alimentation complète en farine, un
mélange de grains de blé entiers et un complément enrichi en protéines
et calcium ; enfin un groupe était nourri de façon alternée (un repas
composé de grains de blé le matin puis le complément riche en protéines
et calcium l’après-midi au moment où la poule commence à former sa
coquille). Ces travaux ont révélé que ce type d’alimentation dite
“séquentielle” alternant distributions de grains de blé et complément
protéique réduit la quantité d’aliment consommé chez les pondeuses sans
altérer le niveau de production d’œufs. Ce résultat ouvre des
perspectives prometteuses pour la filière avicole tant sur le plan
économique qu’environnemental en favorisant l’utilisation de matières
premières locales.
Des œufs enrichis en oméga-3 : en veux-tu, en voilà !
La
composition en acides gras du jaune d’œuf peut être modulée en jouant
sur l’alimentation des poules. On peut par exemple obtenir facilement et
naturellement des œufs enrichis en acides gras oméga-3 qui font l’objet
de nombreuses études à l’Inra. Quels seraient les bénéfices pour la
santé de tels œufs enrichis ? Les chercheurs ont démontré que la
consommation d’œufs enrichis en oméga-3 a des effets bénéfiques pendant
la grossesse, pendant l’allaitement ou chez des patients hypersensibles à
l’apport de cholestérol alimentaire (traités avec des médicaments
réduisant la cholestérolémie). De plus en plus de pays lèvent les
restrictions de consommation sur les œufs enrichis et encouragent leur
consommation chez l’enfant ou les personnes âgées. A partir de 2014, ces
œufs dits fonctionnels feront l’objet d’une nouvelle règlementation
européenne qui concerne les allégations santé des denrées alimentaires.
Les poules ingèrent-elles les polluants des sols ?
Lorsqu’elles
sont élevées en plein air, les poules mangent environ 5 grammes de sol
par jour et jusqu’à 30 grammes si leur alimentation est grossière ou
déséquilibrée. Peuvent-elles avaler des composés organiques polluants
présents dans le sol ? Leurs œufs peuvent-ils être contaminés et si oui,
comment ? Une équipe de l’Inra de Nancy travaille sur le transfert vers
les œufs des polluants organiques persistants présents dans les sols.
Les chercheurs ont d’abord montré que le tube digestif de la poule a de
grandes capacités à extraire ces polluants, contribuant ainsi à leur
transfert vers l’œuf et à sa contamination. C’est le cas des
polychlorobiphényles, composés chlorés autrefois utilisés comme additifs
des plastiques ou d’anciens pesticides organochlorés, désormais
interdits d’usage, mais encore présents dans l’environnement.
Inversement, d’autres polluants peuvent être transformés par le foie et
excrétés via l’urine et la bile, limitant la contamination des œufs.
C’est le cas des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des polluants
issus de combustions urbaines et du transport routier. Par ailleurs, la
même équipe a montré que plus la poule pond des œufs, moins ils risquent
d’être contaminés. Pour limiter le transfert des polluants de
l’environnement vers l’œuf, il faut donc limiter l’ingestion de sol par
les poules et maintenir un niveau de ponte élevé. Une alimentation
équilibrée et le maintien du couvert végétal du parcours mis à la
disposition des poules sont donc des solutions simples mais efficaces
pour éviter la contamination des œufs par les polluants du sol.
Contact scientifique : Catherine Jondreville. Unité Animal et Fonctionnalités des Produits Animaux - Centre Inra de NancyDes pondeuses heureuses
En
France, en 2011 : 72 % de l’élevage des pondeuses se fait en cage, 12 %
en plein air, 5 % au sol et 7 % biologique. Les productions les plus
dynamiques ces dernières années sont celles des œufs biologiques et des
œufs de pondeuses élevées au sol. Depuis janvier 2012, une nouvelle
directive européenne est en vigueur en France : les cages d’élevage
conventionnelles sont interdites et laissent place à des cages aménagées
collectives (750 cm2 par poule contre 550 cm2
précédemment) pourvues de nids, de perchoirs, d’une litière afin de
respecter les besoins comportementaux des poules. Ces dispositifs sont
plus satisfaisants pour le bien-être animal mais nécessitent une plus
grande vigilance sanitaire, car l’œuf peut être pollué par la poussière
ambiante ou mis en contact avec des éléments souillés. L’élevage en cage
permet de garder les animaux en petits groupes (jusqu’à 70 poules), de
les séparer de leurs déjections et ainsi de maintenir un bon état
sanitaire des poules. Il réduit la mortalité des poules et le coût de
production des oeufs. L’élevage au sol offre plus d’espace aux animaux
et leur donne accès à un parcours extérieur mais les risques sanitaires y
sont plus importants. De plus, on dénombre moins d’oeufs cassés et
sales pondus en cage qu’au sol ou sur parcours extérieur. Les poules
sont également sensibles à la température qui doit être comprise entre
22 et 24°C pour une production optimale. Les systèmes d’éclairage sont
également très importants. Pour maintenir la production d’oeufs, les
journées des poules ont des durées stables de 16 heures généralement.
Leurs nuits sont de 8 heures et ne peuvent pas être interrompues (en
accord avec la législation européenne).
Histoire de picorage
Spécifique
des oiseaux, le picorage est une activité complexe. Le poussin sort de
l’œuf grâce à son bec et sa première activité après la naissance est de
picorer. Les poules y passent presque tout leur temps et seul un tiers
de leurs coups de bec aboutit à la consommation d’aliments, les autres
sont exploratoires. L’observation vidéo au ralenti du picorage montre
que la tête de la poule reste immobile les deux tiers du temps.
[1] Les tourteaux sont obtenus après extraction de l’huile des graines des oléagineux.Fil rouge - Sécurité sanitaire
Les salmonelles n’ont qu’à bien se tenir !
En France, plus de la moitié des intoxications
alimentaires collectives sont dues aux salmonelles (en plus des nombreux
cas non déclarés au sein des familles) et la plupart sont liées à la
consommation de produits avicoles. Pour assurer la sécurité alimentaire,
les produits issus de cette filière devraient donc être exempts de ces
bactéries. L’une des principales difficultés réside dans la présence de
porteurs ”sains“, c’est à dire des animaux contaminés qui ne présentent
aucun signe de la maladie. En effet, certaines de ces bactéries
(principalement Salmonella Typhymurium) sont responsables d’infections à la fois chez la poule et chez l’être humain.
Par contre, d’autres bactéries (comme Salmonella
Enteritidis) entraînent une maladie chez l’homme mais le plus souvent
n’en provoquent pas chez la poule qui ne pond alors pas nécessairement
des œufs infectés par des salmonelles. Ainsi en 2009, si 3,2 % des
élevages européens étaient contaminés par Salmonella
Enteritidis, le pourcentage d’œufs de table contaminés était nettement
plus réduit (0,5 %).Si de nombreuses approches ont été proposées pour
réduire ce risque, aucune ne permet à elle seule d’apporter une solution
satisfaisante, d’où l’intérêt d’augmenter l’aptitude des animaux à
éliminer totalement ces bactéries pour éviter le portage : c’est la
résistance au portage. L’identification des régions du génome impliquées
dans le contrôle génétique du portage de salmonelles faciliterait la
sélection. Or, des chercheurs de l’Inra de Tours ont réussi à identifier
11 zones chromosomiques impliquées dans le contrôle de la résistance au
portage. Deux d’entre elles ont un rôle à la fois dans les lignées
expérimentales dans lesquelles elles ont été détectées et dans la lignée
commerciale testée. Ces résultats montrent qu’il est possible de
sélectionner des poules plus résistantes au portage de salmonelles.
Modéliser la propagation de la bactérie dans un troupeau de poules
pondeuses a permis de montrer que, couplée à la vaccination, cette
stratégie pourrait s’avérer efficace pour prévenir la salmonellose.
Contact scientifique : Catherine Beaumont.Unité de recherches avicoles - Centre Inra Val de Loire
Quel est notre jaune préféré ?
La couleur du jaune est importante pour les consommateurs : un jaune
pâle serait peut-être un indice d’une poule malade et des jaunes bien
colorés seraient signe de bonne santé de la poule. Pourtant, il n’en est
rien : cette coloration dépend directement de la consommation en
caroténoïdes de la poule. Cette famille de plus de 750 molécules est
fréquente dans la nature dans les fruits, les légumes ou le monde
animal. Seule une famille de caroténoïdes possédant un oxygène dans la
molécule est pigmentant chez l’oiseau. Il s’agit des xanthophylles
plutôt jaunes, orange ou rouge, qui sont issus du maïs, de la luzerne,
de l’herbe, des fleurs de soucis ou peuvent être supplémentés à la
poule. C’est donc uniquement leur alimentation qui détermine la couleur
du jaune de leurs œufs.
L’étiquetage des œufs : 3 catégories
Catégorie A : œufs de première qualité, “œufs frais” destinés à la consommation humaine
On distingue des catégories de poids : XL, L, M (calibre de référence en
cuisine), S. Ces œufs portent un numéro liés au type d’élevage dont ils
proviennent :
0 : élevage biologique > les poules sont élevées en plein air, leur alimentation répond aux normes de l’agriculture biologique.
1 : plein air > les volailles disposent d’une surface herbeuse de 2,5 m² minimum.
2 : sol > les poules sont “en liberté“ dans un bâtiment clos (1 m² pour 7).
3 : cage
Catégorie B : œufs conservés qui peuvent être vendus au public.
Catégorie C : œufs de deuxième qualité, déclassés, destinés aux entreprises de l’industrie alimentaire et non alimentaire
Les labels :0 : élevage biologique > les poules sont élevées en plein air, leur alimentation répond aux normes de l’agriculture biologique.
1 : plein air > les volailles disposent d’une surface herbeuse de 2,5 m² minimum.
2 : sol > les poules sont “en liberté“ dans un bâtiment clos (1 m² pour 7).
3 : cage
Catégorie B : œufs conservés qui peuvent être vendus au public.
Catégorie C : œufs de deuxième qualité, déclassés, destinés aux entreprises de l’industrie alimentaire et non alimentaire
• Le Label Rouge :
créé en 1960 par le ministère de l’Agriculture, ce label atteste que
les poules sont élevées dans les bâtiments où la densité est limitée à 9
individus par m², avec un accès de 5 m² par poule dans le cas du Label
rouge “plein air” et de 10 m² par poule dans le cas du Label Rouge
“libre parcours”. L’alimentation des poules est garantie 100 % végétale
et composée de céréales à 65 % minimum.
• Le label AB :issus de l’agriculture biologique.
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